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26 août 2018 7 26 /08 /août /2018 11:57

L'accord parfait

 

Un roman de Daniel Pennac, illustré par Manu Larcenet

2013

Futuropolis Gallimard

 

 

  Première fois sur ce blog que je dois classer un article dans deux catégories... C'est que ce livre est double, et c'est ce qui fait son incroyable particularité. Avec un nom comme Manu Larcenet (l'auteur de l'incroyable Combat ordinaire. Quoi, vous ne connaissez pas ? Mais courez , malheureux !) sur la couverture, on s'attend à une BD, de qualité qui plus est. Mais le génial Daniel Pennac, l'auteur de Comme un roman notamment, qu'il faut avoir lu quand on aime lire, n'est pas ici scénariste. C'est bien un roman que nous avons devant nous, mais un roman illustré par Larcenet. De cette collaboration incroyable naît une œuvre double et impressionnante.

 

  A sa mort, le narrateur transmet à sa fille Lison son propre journal intime. Sauf qu'il ne veut pas y parler de ses émotions, de ses sentiments, des événements de sa vie. Ca, c'est facile et presque impersonnel, c'est ce qu'on trouverait partout, ce n'est pas assez intime pour être légué à ses enfants. Alors il lègue ce qu'il a de plus précieux, de plus intime, de plus "lui" : son corps. Pas son corps mort, hein, on ne saurait qu'en faire, mais le journal de ce qu'a été son corps toute sa vie. Car laisse-t-on meilleure trace de nous ?

 

 

  Derrière ce concept, qui donne une troisième dimension à ce qui serait au final un roman-BD-journal, Pennac touche là quelque chose de très juste : il n'y a effectivement pas plus personnel que notre corps. C'est peut-être pour cela qu'il est souvent aussi tabou. On ne parle que honteusement de notre corps, de ses maladies, de sa découverte, et pourtant c'est quelque chose que nous avons tous en commun, et un marqueur véritable de notre existence. Ecrire le journal de son corps, c'est constater l'évolution puis la dégénérescence, c'est décrire la douleur ainsi que le plaisir, c'est observer l'éveil de la sexualité en nous, c'est étudier les effets du sport, c'est jeter un œil à l'apparence qu'on renvoie aux autres et à nous. Bref, c'est nous, tout entier, sans honte et sans secret.

 

 

  Là où Pennac est fort, très fort, c'est qu'il invente ici toute une vie, toute une existence, marquée par beaucoup d'événements importants comme la guerre ou le deuil, mais sans en parler directement, toujours en se plaçant derrière le point de vue du corps ou tout du moins de celui qui observe son corps. L'idée est incroyable et demande au lecteur d'interpréter, de comprendre ce qu'il y a derrière, de démêler les liens familiaux derrière les non-dits, tout en en faisant le témoin privilégié de réflexions très intelligentes. Le passage sur les menstruations féminines est pour moi un exemple parfait, extrêmement bien écrit, et Larcenet parvient à ajouter son inventivité et sa touche personnelle à une page déjà empreinte par le style très subtil de Pennac.

 

 

  C'est l'occasion de parler du dessin, donc, des illustrations de Larcenet. Et c'est bien plus qu'une simple illustration : il y a un travail de dingue effectué derrière. Le trait de Larcenet, en noir et blanc, étonne au début, puis touche, pour enfin subjuguer. Qui de mieux que lui, au final, pour parler du corps, pour représenter des tronches marquées et des silhouettes marquantes ? Il y a un peu de Blast dans ces dessins, à la mélancolie très touchante, à la violence très forte ou encore tout simplement à la sensibilité si enfantine pourtant. Le plus fort, c'est que tous ces traits se retrouvent dans l'écriture de Pennac et le personnage écrit par Pennac s'associe très vite et définitivement à celui dessiné par Larcenet. Quand le personnage de Pennac se laisse aller à des enfantillages, Larcenet rend le dessin enfantin ; quand les observations de Pennac sur le corps sont crues, le trait de Larcenet est violent ; quand le personnage fantasme, les dessins sont totalement oniriques. J'ai personnellement toujours rêvé d'un travail conjoint texte et image, dans lequel un écrivain écrirait ce qui lui inspirent les illustrations d'un dessinateur, et vice-versa. Cette édition de Journal d'un corps a exaucé ce rêve et c'est sûrement une des plus belles découvertes que j'ai pu lire récemment. Un véritable chef d'œuvre, sur tous les plans.

 

 

Par Robert Mudas.

 

 

 

 

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13 août 2018 1 13 /08 /août /2018 09:26

Le code a changé

 

Editeur : Space Cowboys

Un jeu de Cyril Demaegd notamment, mais chaque scénario a son auteur et son illustrateur.

2017

 

De 1 à autant de joueurs qu'on veut, en fait, mais 3-4 paraît être la configuration optimale.

1 h normalement.

27 euros pour les boîtes classiques avec 3 scénarios mais il existe aussi des versions indépendantes des scénarios, moins rentables.

 

 

  Nouveau genre de loisirs, l'escape-game a définitivement pris ses marques dans notre société, et ce n'est pas pour nous déplaire (il est d'ailleurs possible qu'une catégorie escape-game ouvre ses portes sur le blog prochainement...). Le jeu de société a vite compris les possibilités de cette nouvelle activité et de ses codes : le jeu d'enquête a déjà fait ses preuves (Sherlock Holmes Detective Conseil pour ne citer que lui), mais l'idée du temps limité et des énigmes à franchir devait être exploitée.

  C'est chose faite avec la gamme Unlock qui propose déjà 4 boîtes différentes et plusieurs scénarios gratuits en libre accès sur Internet. Le jeu a déjà la bonne idée de fonctionner avec une application gratuite, chargée de donner des indices, de faire vivre des événements et bien sûr de mesurer le temps passé. Ludique et efficace, cette appli est un gros plus du jeu. Autre originalité : chaque scénario est au final unique, car le refaire n'a que peu d'intérêt. Certains prédisaient là une mauvaise idée : les gens le joueront puis le refileront, ou le revendront, et le jeu neuf ne sera que peu acheté. Et bien non, les excellents Space Cowboys ont visé juste car le jeu a clairement son public, a maintenant sa gamme et chaque sortie est un événement ludique. De plus, il peut se jouer seul (même si on le déconseille franchement) et c'est un mode de jeu qui devient courant maintenant.

 

 

  Le principe d'Unlock est de proposer une escape-game en cartes. Chaque carte, numérotée, est un élément observé ou trouvé dans un lieu. Elle peut être cadenassée par un code à quatre chiffres à trouver, ou représenter une machine à manipuler que l'application nous fera utiliser. Sur les cartes peuvent se cacher des chiffres, invitant à aller chercher la carte correspondante (l'équivalent de l'observation et de la fouille dans une vraie escape). Il sera aussi surtout question de combinaisons : certaines cartes sont des objets bleus, d'autres des rouges, et les deux peuvent être combinées pour en trouver une troisième. Si vous voulez combiner une clé bleue 23 avec un coffre fermé rouge 5, par exemple, vous cherchez une carte 28 et la retournez : il s'agit du coffre ouvert, et vous défaussez les deux autres cartes. Ca a l'air simple, mais c'est sans compter les fausses pistes amenant à des pénalités de temps. Bien heureusement, l'application proposera des indices quand on bloquera.

 

  Derrière ce principe relativement simple et efficace, Unlock regorge de subtilité et se montre totalement digne des sensations éprouvées dans une escape room. Il n'est pas rare de crouler sous les cartes à chercher, comme on observe tout au début d'une escape, mais il y a aussi souvent un passage intense de réflexion où l'on ne sait pas quoi faire, où l'on doit se concerter et réfléchir. Le timer de l'appli donne à certains joueurs leur dose de stress. A plusieurs, la communication est aussi importante que dans le jeu "irl" puisqu'il y a beaucoup de cartes à observer et à se passer pour ne pas oublier quelque chose. On atteint ainsi le jeu coopératif presque parfait, et la différence de niveau n'est pas si grave puisqu'un joueur débutant peut prendre plaisir à suivre les réflexions d'un joueur plus confirmé. 

 

 

 Quatre boîtes sorties déjà, et donc 12 parties à jouer ! La première boîte est celle que je conseille clairement aux débutants : Unlock Escape Adventures. La Formule reprend le scénario classique du laboratoire scientifique et s'avère un modèle subtil d'équilibre. Squeek & Sausage marque par son graphisme cartoon et se montre plus proche du point ans click des jeux-vidéos. Enfin, L'Île du Docteur Goorse est à mes yeux le scénario le plus réussi : très difficile, il propose cependant d'excellentes idées, annonçant comment le jeu peut s'émanciper du modèle de l'escape.

  Cette voie est suivie pour la deuxième boîte, axée aventures : Unlock Mystery Adventures. La Maison sur la colline marque par son ambiance horrifique et propose de belles énigmes. Très vicieux, le scénario Les Pièges du Nautilus met les joueurs habitués en mauvaise position car il impose son propre rythme et de réels pièges sournois. Le Trésor de Tonipal, enfin, joue la carte de l'aventure pirate et je l'ai trouvé bien plus proche du jeu d'aventures (prendre les bonnes décisions) que du jeu d'énigme.

  Unlock Secret Adventures n'est clairement pas la boîte à jouer en premier. Elle reprend l'univers de Squeek & Sausage avec A Noside Story. Plus fun que le précédent, on est toujours dans l'aventure amusante point and click. Tombstone Express est à mes yeux la seule déception du jeu à l'heure actuelle : sous la forme d'un jeu d'enquête, la partie enchaîne les péripéties et épreuves parfois un peu nulles et nous empêche de vraiment réfléchir : le principe était bon mais n'aboutit pas selon moi. Enfin, les Aventuriers du Pays d'Oz est selon moi la perle du jeu, malgré une énigme litigieuse : l'ambiance est réussie et la façon de jouer, avec une carte à parcourir sous les yeux et des personnages précis utiles à certains moments très originale.

 

 

  Unlock Exotic Adventures, en tant que nouveauté, mérite un peu plus de détails. Fraîchement sortie en juillet 2018, elle s'amuse à nouveau à changer la façon de jouer. La Nuit des Croquemitaines propose un scénario intrigant et introduit le concept de gages : si cela peut rebuter certains joueurs que fouiller un paquet de cartes à une main n'amuse pas, je trouve cependant que le concept est très bien intégré au scénario, bien plus que pour le scénario western de la précédente boîte. Reste l'énigme finale, un peu décevante selon moi et un détail qui rend le jeu curieusement moins rejouable que d'habitude par d'autres joueurs. 

  La Dernière Nuit de Shéhérazade nous plonge dans l'univers des 1001 nuits, et c'est une réussite totale, dans l'ambiance comme dans la mécanique. Le scénario joue encore la carte de l'aventure, avec différents lieux à atteindre et différentes épreuves. Pour le coup, l'équilibrage entre aventures et énigmes d'escape me paraît optimal, et le jeu propose de belles difficultés dans ses énigmes. De même, l'application est encore utilisée pour des épreuves vraiment intéressantes et le jeu surprend à jouer là la carte des mini-jeux : si cela peut déplaire à certains joueurs qui préféraient le calme froid des cartes, d'autres penseront que l'avenir ludique est là, dans l'utilisation conjointe du matériel et de l'électronique. A noter une jolie fin, témoignant d'un souci de scénarisation.

  Enfin Expédition Challenger ! rend hommage à Arthur Conan Doyle en nous faisant explorer le fameux Monde Perdu. Le scénario, classé très difficile (même si on n'est pas au niveau de L'Île du Docteur Goorse ou du beaucoup trop tordu Temple de Ra à imprimer) propose avant tout une mécanique très perturbante : il faut avant tout arriver sur le monde perdu, ce qui n'est pas une mince affaire, puis le jeu va consister en une exploration géographique : dans un jeu de cartes, il fallait oser ! La disposition n'est d'ailleurs pas sans rappeler un succès ludique du moment, 7th Continent. L'appli changera de forme alors, proposant des événements à résoudre et des manipulations pas forcément intuitives demandant d'expérimenter et de se creuser la tête. Les membres de l'expédition Challenger sur le chemin devront être sauvés pour améliorer le score final : ce n'est pas le temps mis qui compte ici (même si leur survie en dépend) mais le nombre de personnages sauvés. Original, ce principe amène énormément de "machines" à résoudre sur l'application et il faut avouer qu'elles sont très loin d'être évidentes. Si bien que je n'ai personnellement aimé ce scénario qu'en le rejouant, une fois le concept vraiment compris... Le jeu atteint-il ses limites avec ce genre de scénario ? Aux joueurs de le dire ! Les talentueux Space Cowboys essaient en tout cas de toujours innover et nous surprendre et cette quatrième boîte propose d'excellentes idées, même si elle doit être déconseillée aux nouveaux joueurs à mon humble avis.

 

 

  Si cet article vous a donné envie de tester Unlock, ou si vous hésitez encore, sachez que le site Internet des Space Cowboys a le bon goût de proposer des scénarios plus courts en libre accès, gratuitement, à imprimer pour essayer. La plupart sont bons bien que courts : mention particulière au Donjon de Doo-Arann, que le magazine Ravage avait proposé en cadeau, qui marie très bien les codes de la fantasy à la mécanique du jeu.

 

Par Robert Mudas

 

A lire aussi :

 - Si vous aimez vraiment les enquêtes, vous pouvez faire un tour du côté de Broadchurch ou The Killing.

 

 

  

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6 août 2018 1 06 /08 /août /2018 08:00

Leçon numéro 94 : maintenir l'ambigüité

Artiste : Eddy de Pretto

Titre : Cure

2018

 

 

" C'est qui ce mec ?"

  C'est la première réaction qui vient quand on entend parler pour la première fois d'Eddy de Pretto. Si on le découvre à la radio, on se demande quel genre on est en train d'écouter, entre le rap et la chanson à texte. Si on voit un de ses clips, on reste interloqué par son jeu sur sa propre sexualisation alors qu'il n'a pas du tout le physique de l'emploi. Si on le découvre avec un live, on reste encore davantage troublé par sa posture et son regard tenace de bad boy contrastant avec sa tronche singulière de petit blanc roux.

   Les lives d'Eddy de Pretto me rappellent un peu, par leur caractère étrange, ceux de Stromae à l'époque où le monsieur nous faisait encore l'honneur de chanter, en moins chorégraphiés : une représentation très jouée, des textes appuyés. Souvent des vieux micros rétro. Souvent un torse nu de kéké ou des habits totalement démodés. Parfois un téléphone portable à la main qu'il utilise pour se filmer pendant qu'il chante.

  C'est ce dernier élément qui m'invite à trouver une symbolique particulière : celle de l'apparence. Tout en ce type fait réfléchir au physique, au paraître, à notre propre facilité à le juger à sa tronche singulière, à son homosexualité affirmée, ou à ses allures de bad boy. Autant de facettes pour peut-être nous dire que chacun peut jouer de cela et qu'il ne faut pas s'arrêter aux apparences. Les paroles me confirment ma théorie : "Tu brilleras par ta force physique / Ton allure dominante, ta posture de caïd / Et ton sexe triomphant pour mépriser les faibles". S'il y a bien un thème que cet artiste aime traiter, c'est la question de l'apparence mais aussi et surtout du formatage de celle-ci par la société.

  Homo, banlieusard et amateur de chanson francophone, Eddy de Pretto a probablement eu toutes les raisons d'être confronté au regard des autres et il décide d'en jouer, et même de l'utiliser pour sa création artistique. Et son album en ressort magnifique, touchant par tant de réalisme tout en étant choquant par ses paroles crues parfois. Ses textes sont parfois mystérieux et demandent un certain investissement pour leur interprétation (ce qui fait du bien !). De mon côté, je trouve une belle et osée chanson d'amour avec Jimmy et son refrain entêtant, un retour sur sa jeunesse dans la banlieue de Créteil avec Beaulieue, une très sensible réflexion sur l'apparence dans le rapport de séduction avec Desmurs, ou encore une émouvante plainte sur l'insécurité amoureuse avec Honey. Bouquet presque final : un texte complètement dingue sur des rapports familiaux difficiles avec Mamère : "Promis un jour j'y arriverai / A te regarder tout simplement / Sans en vouloir à la Terre entière / Un jour je t'appellerai Maman".

  Trois chansons à étudier absolument sur les questions de société dont nous avons parlé précédemment : Kid et Genre sur la question de la masculinité. On parle beaucoup de l'image donnée aux femmes dans notre société en ce moment et, de l'autre côté, Eddy de Pretto nous rappelle que le garçon est lui-aussi dominé par une esthétique valorisant à tout prix ce qu'il appelle la "virilité abusive". C'est très vrai, et bien dit. Dans Normal, il joue sur la provocation qui est sa carte de visite pour interroger l'homophobie : "Mais jeune homme, sais-tu seulement / Que j'me maquille pour t'rentrer dedans ?"

  Ces perles musicales éclipsent peu à peu le tube populaire qui l'a pourtant fait connaître : Fête de trop. Si bien que ce titre, pourtant point d'entrée indispensable dans l'univers de l'artiste, devient vite le moins aimé du CD par les amateurs, qui lui préfèrent les chansons précédemment citées. Je crois sincèrement qu'on touche là la recette de l'œuvre réussie.

 

 

Liste des pistes :

 1 - Début

 2 - Random

 3 - Rue de Moscou

 4 - Jimmy

 5 - Beaulieue

 6 - Quartier des Lunes

 7 - Desmurs

 8 - Kid

 9 - Normal

 10 - Honey

 11 - Genre

 12 - Ego

 13 - Mamère

 14 - Fête de trop

 15 - Musique basse

 

Par Robert Mudas.

 

 

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30 juillet 2018 1 30 /07 /juillet /2018 09:29

Un royaume tombé bien bas...

Un film de Juan Antonio Bayona

Etats-Unis

2018

 

Avec :

Chris Pratt  : Owen Grady

Bryce Dallas Howard : Claire Dearing

Rafe Spall : Eli Mills

(Non je ne mettrai pas Jeff Golfblum dans la distribution tellement son rôle est seulement un prétexte à une voix off dogmatique comme trop de productions américaines nous proposent maintenant...)

J'ai beaucoup d'affection pour la saga Jurassic Park. Quand j'étais un petit garçon passionné par les dinosaures, - vous savez, ce petit garçon qui a dans sa chambre les squelettes fluo de dinosaures à construire avec la collection des Editions Atlas -, le premier Jurassic Park est sorti. Il y a vingt-cinq ans, oui. Ca a été un choc pour moi... alors même que mes parents m'avaient interdit d'aller le voir au cinéma. Je me contentais de photos de tournage et d'articles pour m'enthousiasmer. Puis, j'ai pu le voir à la télé, et ça a été la claque. Un chef-d'oeuvre, plaisant à la fois au passionné de dinosaures et à l'apprenti-cinéphile que j'étais (cette scène des raptors dans la cuisine !).

A partir de là, j'étais définitivement conquis, et chaque film de la saga était un événement pour moi. J'ai vu chacun au cinéma (l'enfant à qui on avait interdit le 1 se sentant victorieux en achetant son billet), m'enthousiasmant toujours, oubliant les incohérences du Monde Perdu tellement les scènes y étaient spectaculaires. Quand je dis que je suis fan : j'ai même trouvé le 3 divertissant. Voilà, tout est dit.

Le presque « reboot » moderne de la saga avec Jurassic World a logiquement été un événement pour moi. Eclipsant à mes yeux le retour de Star Wars (et c'est là que tout est dit, en fait). Beaucoup d'incohérences me faisant sortir du film régulièrement, mais de très belles scènes et un scénario présentant ce que le 1 ne faisait que nous faire imaginer : un parc d'attraction avec des dinosaures. L'enfant en moi était conquis.

C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme que je suis allé voir Jurassic World : Fallen Kingdom. Je le pressentais comme un remake du Monde Perdu comme le précédent était un remake du tout premier... Vous me suivez ? Bref. Et puis, Bayona à la réalisation, ça faisait un peu rêver, quand même : le réalisateur de The impossible et de L'Orphelinat, chacun de ces deux films proposant de bonnes trouvailles et surtout un belle façon d'instaurer une tension soutenue. Dès le début du film, j'ai compris que j'allais être déçu. Et, de déçu à effaré et ennuyé, le sentiment a été de pire en pire au cours du film. Tellement que j'ai eu besoin d'écrire sur ce film, ressuscitant même pour l'occasion ce bon vieux blog. Et comme je lisais quelques critiques positives sur ce film (mais sérieusement ?), je voudrais les contrebalancer un peu. Je risque de spoiler pas mal, par contre, je préfère prévenir...

Le pitch : un volcan va exploser sur l'île de Jurassic World. Ca, c'est quand même ballot quand on y pense, parce qu'on a fait un parc d'attraction autour d'un volcan visiblement actif. Ok, le parc a fermé à cause d'une catastrophe, mais il devait être encore ouvert normalement, je suppose, non ? Première incohérence dès le début du film. On comprend la bonne volonté : innover, changer la donne de la saga (comme le dernier Star Wars l'avait fait, par exemple, c'est la mode en ce moment), introduire un élément inédit dans une saga aux codes connus. Alors oui, les coulées de lave dans un environnement préhistorique, c'est classe, mais là ça ne marche tout simplement pas ! Surtout que c'est de la lave de mauvais téléfilm d'aventure, qui coule et qui te brûle même pas quand elle te frôle... En témoigne cette scène totalement pathétique où le personnage de Chris Pratt voit la lave arriver vers lui, engloutissant une carcasse de dinosaure, alors qu'il est drogué et incapable de bouger. Il retrouve petit à petit l'usage de son corps et parvient à se glisser derrière un tronc d'arbre que la lave ne détruit pas et contourne. QUE LA LAVE NE DETRUIT PAS, vous avez bien entendu... Ok. Donc, on est dans du cinéma d'aventure raté, soit.

Reprenons le pitch : l'île va brûler, les dinosaures vont mourir. Question de départ, débat moral : faut-il sauver les bestioles ? Pas con, comme questionnement. Faut-il les laisser mourir comme nos créations artificielles, tellement dangereuses qui plus est ? Ou faut-il les sauver comme des êtres vivants, avec la responsabilité de ce qu'on a créé ? La question est vraiment intelligente, encore une bonne idée en fait !, et on sent qu'elle correspond à l'air du temps, à cette époque où le veganisme voire l'animalisme se font entendre, et où le sujet du bac de français en parle. Bref. Bonne idée, donc, mais encore une fois, le film ne sait pas quoi en faire ! Les héros partent sauver les dinosaures sur l'île, avec deux boulets avec eux (mais pourquoi ? C'est quoi cette strike-team ?) avec des militaires à l'air méchant et grâce à un riche philanthrope. Vous le sentez venir, le manichéisme à deux euros ? Et oui, surprise !, sur ordre du finalement très méchant riche qui veut vendre les dinosaures aux enchères et qui se fiche totalement de la cause animale, les militaires qui sont si méchants avec les animaux, cruels bourreaux sans cœur, se retournent contre les héros une fois qu'ils les ont aidés et mettent sans ménagement les dinosaures dans des cages sur un bateau. Je ne sais pas pour vous, mais moi le coup du méchant riche sans cœur et du méchant militaire sans compassion, je n'en peux plus. C'est pas subtil, et puis c'est quoi le message, franchement ? C'est censé satisfaire le spectateur qui se dit « moi, j'ai pas d'argent mais je m'en fous, j'ai du cœur et j'aime les animaux ? Mais le film est produit par qui, en vrai ? Hollywood, milieu de l'argent qui finance des films qui taclent le milieu de l'argent, mais qui finissent souvent médiocres à cause même de la volonté des studios... Quand on y pense, tout cela est un peu vain. Cette gêne ne touche pas que Jurassic World 2, mais ce paradoxe m'ennuie de plus en plus au cinéma.

Bref.

A partir de là, le film change totalement d'ambiance. Les héros s'engouffrent sur le bateau clandestinement (oui, car les méchants ont laissé une jeep avec les clés sur le contact pile devant l'embarcadère, ils sont vraiment pas organisés) et essaient de soigner le pauvre petit raptor cruellement blessé. En faisant des slaloms entre les dents d'un T-Rex presque endormi, au passage. Oui, je sais, ça a l'air confus mais je retranscris tel quel, moi. Pas de gros drame sur le bateau (dommage) et tout ce beau monde (perdu !) arrive dans le manoir du méchant riche qui a prévu, à l'insu du propriétaire mourant qu'il manipule, des cages adaptées dans un complexe secret en sous-sol. Wait... un complexe secret où l'on cache des brachiosaures et des T-Rex à l'insu de tous ? Dans un sous-sol ? D'une maison ? Mais sérieusement, vous vous êtes relus ?

Au passage, les méchants ont aussi créé un nouveau dinosaure, parce que c'est rigolo. Je n'étais déjà pas fan de la création de l'Indominus Rex dans Jurassic World que je trouvais ridicule : les dinosaures suffisent, pas besoin d'en créer de nouveau, ce n'est pas vraiment le principe de la saga... Mais là, on ajouté à l'Indominus Rex de l'ADN de raptor et on a ainsi fait... L'Indoraptor ! « Minute, les gars, ce mot ne veut rien dire. Autant Indominus Rex ça sonne latin, ça pourrait passer, mais là, c'est ridicule tellement on a juste fusionné deux mots qui vont pas ensemble, ça n'a pas de sens. En plus, les spectateurs français vont juste imaginer un raptor qui s'approche en chantant « Egaré dans la vallée infernale, le héros s'appelle Owen Grady ». Non, vraiment, on garde ? Bon, ok, je retourne à ma coulée de lave. »

Et les héros dans tout ça ? Et bien ils n'ont strictement rien d'héroïque... Ils parviennent à s'échapper (pourquoi le méchant les a-t-il gardés en vie alors qu'il n'a pas hésité à tuer le proprio du manoir ? Non, bon, ok.) et décident de libérer les dinosaures pour mettre le bazar dans la salle des ventes. Ah ah, quels joyeux plaisantins, ces héros, qu'est-ce qu'on rigole en libérant des dinosaures pour qu'ils DEFONCENT littéralement de méchants riches... Hmm... Au passage, (ATTENTION GROS SPOIL) ils emmènent avec eux la petite fille du proprio, trop mignonne, gentille et passionnée par les dinos.. Ok, il était légitime de la sauver, mais au moment où les héros lui proposent de l'accompagner, ils n'en savent strictement rien. CELA S'APPELLE DU KIDNAPPING, et c'est un peu puni par la loi ! De bien beaux héros. On en rajoute ? Un mystère entoure la naissance de la petite fille trop mignonne et le méchant annonce qu'en fait, ah ah, tu n'es qu'un clone, tu n'as même pas de maman, na, juste avant qu'un raptor attaque et mette fin à la question. Le film n'en reparlera jamais plus. Voilà. C'EST UN PUTAIN DE CLONE, quoi ! Bayona a probablement voulu introduire là la question de l'éthique, des dérives scientifiques possibles, mais on devine qu'Hollywood (les méchants riches... vous l'avez ?) est passée derrière pour couper les scènes. Si bien que ça tombe comme un cheveu sur la soupe et que tout le monde s'en contrefout. Le spectateur aussi.

Joyeux bordel, donc, plein d'animaux libérés, les méchants quittent le manoir, mais pas les gentils (??????) qui luttent contre le vil Indoraptor qui hante la chambre de la gamine comme un croquemitaine. On sent que Bayona a voulu insuffler ici une atmosphère de film d'horreur et c'est peut-être la scène la plus réussie, mais l'histoire de ce dino artificiel est si ridicule et le concept même d'un huis-clos avec des dinosaures si crétin que le truc ne sert à rien et qu'on assiste le regard vide à des péripéties interminables et sans enjeu. A nouveau, la volonté de changer les codes de la saga n'était pas mauvaise, mais le pitch aurait mérité davantage de travail. Et puis, si on veut changer les codes, pourquoi TOUS les rejouer un par un ? La voiture-balle, déjà vue dans le film précédent, le T-Rex qui vient boulotter le carnivore qui était en train d'ennuyer les héros, le thème musical utilisé à la moindre occasion... on aura tout, et une grosse impression de déjà-vu.

La fin maintenant. A cause d'un gaz mortel libéré par erreur (cherchez pas...), les dinosaures en cage vont mourir. Zut. Les héros hésitent devant le bouton qui pourrait les libérer : doit-on les tuer ou les laisser vivre parmi nous ? Revoilà le débat moral et, s'il est pertinent, on ne comprend pas pourquoi les héros l'ont alors qu'ils ont fait tout ça pour les sauver ! Ce que résout finalement LE PUTAIN DE CLONE en libérant les sauriens (sûrement qu'entre créations scientifiques, ils se comprennent), et le final annonce un nouveau point de départ pour la saga : les dinosaures sont libérés et évoluent maintenant parmi nous, sur le continent américain. Etrange fin, qui ne m'enthousiasme guère. Au même moment, au cinéma, Thanos laissait lui-aussi une trace indélibile dans l'univers Marvel. L'heure est-elle aux fins apocalyptiques remettant à zéro les grandes sagas ? Ce n'est pas pour me déplaire. Sauf que dans le cas d'Avengers, le film est réussi...

Par Robert Mudas.

A lire aussi :

  • Toi aussi, entre dans le débat moral et sauve les dinosaures de l'extinction dans le jeu Evo.

  • Sinon, quitte à faire n'importe quoi, autant l'assumer et jouer des dinosaures-ninjas dans Smash Up.


 

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23 juillet 2015 4 23 /07 /juillet /2015 09:30

De l'approfondissement et de l'originalité dans les films de super-héros.

 

 

 

  Sorti récemment, Ant-Man est venu clôturer la phase 2 du MCU. Pour les néophytes, le MCU, c'est le "Marvel Cinematic Universe" soit l'univers développé par les Studios Marvel dans plusieurs films cohérents entre eux. Le premier Avengers, succès total et mérité, concluait la construction de cet univers par la rencontre jubilatoire de tous ses protagonistes, et avec ceci ce qu'on a appelé la "Phase 1". Les six films proposés ensuite, d'Iron Man 3 à Ant-Man ont donc logiquement composé la "Phase 2". L'occasion pour ce blog amateur de super-héros de faire un petit point sur les différents films proposés dans ce second mouvement !

  Marvel promettait une phase 2 plus psychologique, ou en tout cas des personnages plus approfondis. Il faut avouer que c'est plutôt vrai : Iron Man est le sujet de crises d'angoisse depuis la grande bataille contre les Chitauris, Captain America cherche sa place dans un monde où le patriotisme est daté, et même les seconds rôles qui n'ont pas ou plus le droit à un film rien que pour eux, la Veuve Noire, Hulk, Nick Fury ou Oeil-de-Faucon, ont l'occasion d'avoir leur heure de gloire dans tel ou tel film.

  La phase 2 a aussi été l'occasion de nous surprendre. Deux films font clairement figure d'outsiders dans cette programmation, et ce ne sont clairement pas les plus mauvais. Certains films se distinguent en effet totalement du film classique de super-héros, et c'est ainsi que cette phase 2 nous propose un film d'espionnage, un space-opera délirant ou encore un film de braquage comique. Tout en continuant à développer son univers étendu et commun, de plus en plus riche.

  Il ne faut cependant pas se leurrer : tout n'est pas bon non-plus dans ces six films. Thor 2 est par exemple sans grand intérêt, et l'achat par Disney se ressent parfois dans des dialogues beaucoup moins percutants : je n'ai par exemple pas du tout retrouvé l'humour efficace des dialogues d'Avengers dans sa suite. J'ai en effet tendance à trouver que Disney joue vraiment sur l'humour qui a marqué le succès de la franchise Iron Man, mais avec des ficelles trop grosses et sans finesse. Autre problème : les méchants. Dans cette phase 2, ils sont quasiment sans profondeur, juste méchants pour être méchants (oui, "à la Disney", je sais...). Vous ne retrouverez pas la classe de Loki dans les personnages de cette phase 2 : Ronan, Malekith, Yellow Jacket, tous sont relativement semblables et font le mal pour faire le mal. Le seul à avoir une personnalité amusante et originale, c'est Ultron finalement. Je ne critique pas là le réalisateur d'Avengers 2, Joss Whedon, qui a la volonté louable de donner de l'humour à son film et de la personnalité à ses personnages, mais c'est amusant de constater que le méchant le plus humain dans cette phase est... le robot !

  De plus, si l'univers étendu et connecté est une vraie réussite, tout ne fonctionne pas totalement, et je reste totalement déçu par la fin d'Iron Man 3 qui ne colle pas du tout avec le retour du héros en armure dans Avengers 2. Enfin, Thanos et les joyaux de l'Infini commencent à se faire attendre, et les références qui nous enthousiasmaient dans les premiers films nous lassent un peu maintenant (cf la scène post-générique totalement sans intérêt après Avengers 2).

  Tout n'est pas bon donc, mais en même temps quand on compare avec la phase 1 et les parfois mauvais films qu'on y a vus (L'incroyable Hulk, ou Captain America : First Avenger qui n'a rien à voir avec sa suite !), on se dit que tous les films sont maintenant totalement visionnables sans honte et qu'on aurait tort de bouder notre plaisir !

 

 

Petit bilan des six films de cette phase 2 :

 

 - Iron Man 3 de Shane Black, avec Robert Downey Jr, Don Cheadle, Gwyneth Paltrow, Guy Pearce et Ben Kingsley (2013).

 

A priori le dernier film de la franchise Iron Man, qui a pour ambition de nous montrer ce que vaut Tony Stark sans son armure. C'est loin d'être mauvais, c'est toujours très drôle, Robert Downey Jr porte toujours la saga, son personnage et le succès de la franchise, et les personnages secondaires peuvent maintenant prendre une place confortable dans le film. Par rapport aux précédents films, les méchants sont un peu plus intéressants (c'est à mon sens la difficulté de cette franchise, car l'univers Iron Man est franchement chiant), avec une mention spéciale pour le Mandarin qui était inadaptable dans le semi-réalisme de la saga et qui a donc été adapté et transformé d'une façon audacieuse et plaisante. On peut seulement déplorer la fin du film, qui finit dans un "eh, les mecs, et si maintenant on faisait tout pêter ?" trop block-buster pour moi. En plus, tout cela est très mal relié au reste du Marvel Cinematic Universe et je ne comprends toujours pas comment cette fin peut mener au retour de Stark dans Avengers 2. Mais bon, il fallait du grand spectacle (et un solide résultat au box-office) pour démarrer cette deuxième phase, et c'était du tout bon avec ce super-héros.

 

 -  Thor, le monde des ténèbres de Alan Taylor, avec Chris Hemsworth, Nathalie Portman, Tom Hiddleston et Christopher Eccleston (2013).

Berk berk berk. Le film totalement dispensable de la phase 2 selon moi. Le but du film était d'approfondir l'univers de Thor avec le panthéon d'Asgard et la présentation d'une autre race de l'Arbre-Monde : les Elfes Noirs. L'intention est louable mais mal menée car peu de scénario et peu d'efforts de réalisation se joignent à elle. Ravi de voir Eccleston (notre bon vieux Docteur !) dans l'univers Marvel, j'ai été très déçu de le voir réduit au rôle du méchant-qui-sourit-pas-sans-aucune-personnalité. L'idée du multivers et des ouvertures entre les mondes était également alléchante mais finalement trop peu exploitée : l'enthousiasme de la canette lancée dans l'immeuble n'a été au final que peu utilisée dans les dernières scènes de combat. Reste la pierre d'infinité qui mènera au gant de l'Infini de Thanos, mais on se rend vite compte que ces pierres n'ont que peu de différences entre elles. Même Loki était facile à lire et peu drôle, c'est dire. Je soupçonne Marvel de ne plus trop savoir quoi faire de son grand blond bodybuildé (ça se sent carrément dans Avengers 2), et j'espère que le troisième opus, Ragnarok, saura amener une fin décente à cette franchise décevante.

 

 - Captain America : le soldat de l'hiver de Anthony et Joe Russo, avec Chris Evans, Scarlett Johansson, Anthony Mackie, Sebastian Stan et Samuel L. Jackson (2014).

  Mon coup de coeur de la phase 2, comme je l'ai mentionné dans l'article associé. Comme j'en ai déjà parlé, je n'en parle pas beaucoup mais je signale juste qu'on a là un film qui se différencie totalement d'un film classique de super-héros : ici, nous sommes presque plus face à un film d'espionnage. Bien sûr il y a un ennemi final à affronter mais celui-ci est plus intéressant que le méchant facile à la Malekith... Le tout est très réussi et toute l'intrigue autour du SHIELD en fait le film le plus important de cette phase (primordial pour la série Marvel's Agents of Shield d'ailleurs), sans aucun point commun avec le premier film.

 

 - Les Gardiens de la galaxie de James Gunn avec Chris Pratt, Zoe Saldana, Dave Bautista et Lee Pace (2014).

  Et voilà l'outsider de la série... Quand l'adaptation des Gardiens de la Galaxie a été annoncée, les fans n'y croyaient pas tant ils s'imaginaient que des personnages comme Rocket Racoon ou Groot n'auraient pas leur place entre Thor et Iron Man. Et pourtant les studios, assistés par le bon travail de réalisation, ont pris la bonne décision pour faire passer cela : l'humour pur et dur (en témoigne l'apparition d'Howard The Duck en surprise post-générique...). Vraiment pas un film de super-héros ici (même si la fin tend à décevoir en y ressemblant pourtant) mais plutôt un space-opera débridé et très fun. La sauce prend et le public ne s'y est pas trompé, permettant aux fans autrefois moqués parce qu'ils lisaient des livres avec un raton-laveur armé d'un bazooka (si si, j'en fais partie...) de passer maintenant pour des gens cool et éclairés.

  Le film a un rôle important dans l'univers Marvel puisqu'il est le premier à vraiment parler de Thanos et le premier à ne faire intervenir aucun Avenger. Ce n'est cependant pas mon préféré pour plusieurs raisons : le méchant Ronan perdant toute profondeur et devenant le bad guy standard, totalement interchangeable avec Malekith par exemple, la fin à grand coups d'effets mystiques auxquels on comprend rien pour illustrer (mal) le pouvoir de la pierre d'infinité, ou encore le pouvoir de l'amitié bien niais pourtant caricaturé précédemment dans le film... Mais bon, ne boudons pas notre plaisir : c'est un des films les plus audacieux de l'univers Marvel et en cela un des plus réussis.

 

 - Avengers : l'ère d'Ultron de Joss Whedon avec Robert Downey Jr, Mark Ruffalo, Chris Evans, Chris Hemsworth, Scarlett Johansson et Jeremy Renner (2015).

  Le voilà, le tant attendu deuxième rassemblement de tous les héros costumés. La découverte étant passée, ce second opus étonne par un rythme beaucoup moins tendu et des passages lents chargés de développer la personnalité de quelques personnages. C'était indispensable pour pouvoir traiter tout ce petit monde sans ne mettre en lumière que les grosses pointures (Thor est d'ailleurs assez peu exploité dans ce film), et Whedon sait être confronté à une équipe dans sa narration, seulement certaines choses ne collent pas, notamment dans l'histoire d'amour qui se crée que je trouve totalement incohérente avec tout ce qui s'est passé avant.

   Le tout demeure du grand spectacle de qualité, époustouflant dans les scènes d'action et efficace dans sa narration et dans sa réalisation. De nouveaux éléments sont introduits (les jumeaux Maximoff, le Wakanda, la Vision) mais je crains un peu que cela fasse trop, surtout pour la Vision dont je n'aime guère le personnage.

  En somme, ce second volet est divertissant et agréable, mais ne bénéficie plus d'une phase entière d'introduction. L'histoire d'Ultron est même totalement anecdotique dans la phase 2 entière (la série Agents of SHIELD l'évoque à peine !) mais importante pour la relation de confiance entre les personnages. De plus, beaucoup ont trouvé la bataille finale trop proche de celle du premier film. Bref, on sent que le tout est seulement une transition vers le 3, beaucoup plus important et d'ailleurs coupé en deux parties...

 

 - Ant-Man de Peyton Reed avec Paul Rudd, Michael Douglas et Evangeline Lily (2015).

  Comme beaucoup, j'avais très peur par rapport à ce film. Le personnage n'a rien de charismatique, les studios Marvel hésitant entre la fin de la phase 2 et le début de la 3 pour ce film semblaient ne pas l'assumer vraiment, et les changements d'équipe à la réalisation ne rassuraient pas. Mais bon, après l'étonnant Gardiens de la Galaxie, il n'y avait pas de raison de ne pas faire confiance au MCU qui s'est rarement trompé pour l'instant.

  Et effectivement, ce film a la très bonne idée de ne pas prendre au sérieux son personnage et de ne pas vraiment faire un film de super-héros. Le personnage étant un voleur chargé de dérober une pièce précise, le film emprunte beaucoup plus au film de braquage comique à la Ocean Eleven qu'au film de super-héros. Ainsi, la réalisation en utilise les codes et le rythme s'y colle totalement. C'est la réussite de ce film, ça et le visuel spectaculaire des scènes d'action et des scènes de "petite taille" à la Micro-Machines. L'inventivité pour rendre vivant l'univers de ce personnage, et notamment les fourmis dressées par phéromones, souligne ces thèmes finalement assez communs dans la science-fiction. Et si l'on ajoute à cela la dérision, nous montrant à plusieurs reprises que les combats de petite taille semblent ridicules à notre échelle, le tout forme un cocktail explosif.

  Reste que tout n'est pas maîtrisé. Si le film semble se moquer des codes du film de super-héros, il en emprunte pourtant beaucoup de choses, dont un méchant beaucoup trop méchant pour être crédible, qui m'a personnellement rappelé le premier méchant d'Iron Man, assez daté et facile quand même... De plus, le rythme est lent et l'histoire prend trop de temps à se mettre en place, jusqu'à la première scène de petite taille, celle de la baignoire, qui réveille totalement le spectateur : dommage pour un film qui joue sur la parodie des codes cinématographiques. 

  On passe donc un bon moment de décalage, mais pas autant qu'avec les Gardiens, et le film est contre toute attente bien relié au MCU, et notamment à la fin d'Avengers 2. Conclure la phase 2 par lui n'était peut-être pas la meilleure idée du monde mais je comprends l'idée de montrer l'arrivée de nouveaux personnages.

 

 

  A voir maintenant si la phase 3 n'écoeurera pas les gens par son programme très chargé (10 films en 3 ans, dont un Avengers 3 en 2 parties, procédé que je n'apprécie guère !) et par l'effet de répétition.

 

Par Robert Mudas.

A lire aussi :

 - L'univers Marvel, c'est d'abord de la BD : Marvel Now et X-Factor.

 - L'univers Marvel en jeux de société : Legendary et Marvel Heroes.

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27 avril 2015 1 27 /04 /avril /2015 11:32

Super-héros, rassemblement !

(Oui, le sous-titre est pourri, mais la Sélection du dimanche a déjà proposé le seul vrai titre possible…)

 

Editions UPPER Deck

Un jeu de Devin Low

Illustré par des illustrateurs de comics non crédités (bouh, bouh, bouh)

2012

 

De 1 à 5 joueurs

1h environ

60-70 euros

 

 

  Legendary : A Marvel Deckbuilding Game est un jeu de deckbuilding, semi-coopératif, disponible en anglais seulement, et proposant de très nombreuses extensions. Cela fait beaucoup d’informations en même temps, et je vais donc essayer de reprendre point par point ces particularités !

  Déjà, qu’est-ce que c’est donc qu’un deckbuilding ? Le deckbuilding, popularisé notamment par le très bon Dominion, est un genre de jeux dans lequel tous les joueurs commencent avec les mêmes cartes, puis vont ajouter de nouvelles cartes plus puissantes à ce jeu en essayant de ne pas trop l’alourdir tout en le rendant plus fort. « Alourdir » ? Oui, car on joue à chaque tour un certain nombre de cartes, on les défausse toutes à la fin du tour et on en pioche de nouvelles. Ainsi, contrairement aux jeux classiques, on ne garde aucune carte d’un tour sur l’autre mais on fait au contraire tourner son jeu constamment : c’est le principe du deck. Il faut donc faire en sorte de se débarrasser des cartes faibles, et prêter attention aux cartes que l’on « achète » pour compléter notre deck afin qu’elles fonctionnent bien ensemble et permettent des combinaisons efficaces. C’est là l’aspect stratégique très intéressant de ce système puisque l’on construit littéralement son jeu et la partie verra s’il est efficace.

  Cette mécanique a déjà été utilisée dans de nombreux jeux dans différents univers, mais Legendary Marvel a le bon goût de l’adapter aux super-héros Marvel. Nos cartes de base sont des agents du SHIELD (pour ceux qui ne connaissent pas l’univers… je ne prendrai pas la peine d’expliquer, na !) proposant de faibles valeurs sur deux icônes : le recrutement, permettant de se procurer des cartes de super-héros plus puissantes, ou le combat permettant d’éliminant les vilains menaçant la ville. Cinq super-héros sont disponibles pour améliorer votre deck (parmi les 15 de la boîte de base) et chacun propose une stratégie différente qu’il va falloir efficacement combiner avec les autres. A la tête de ces vilains, un mastermind (quatre différents dans la boîte de base) avec une valeur de combat spécifique. Quand un joueur arrive à réunir en un tour cette valeur de combat, il peut attaquer ce gros vilain pas beau. Si cela arrive quatre fois, la partie est gagnée par les joueurs, et on fait le compte de tous les ennemis abattus par chacun (et des civils sauvés) ; celui qui a le plus de points gagne. La mécanique est très simple et explicable en 5 minutes, voire, comme le dit la règle, en un tour de jeu direct !

 

 

  C’est donc un coopératif compétitif qui est proposé ici, et c’est une expérience de jeu très intéressante, car les joueurs peuvent aussi tous perdre ensemble. Si le mastermind n’est pas vaincu dans les temps, c’est une défaite collective. De même, à chaque partie, un scénario sera proposé : le Scheme. Celui-ci instaure des règles particulières et des conditions de défaite précises. Ainsi, en fonction du scheme, du mastermind, des groupes de vilains présents, des super-héros disponibles, le jeu est différent, ce qui fait de chaque partie un moment unique. Niveau renouvellement, on peut difficilement faire mieux donc. En plus de cela, de nombreuses extensions (j’en parlerai en fin d’article) se sont ajoutées progressivement, enrichissant encore plus l’étendue de ce jeu. L’aspect à la fois compétitif et coopératif dépend du nombre de joueurs : très dur à 4 ou 5, le jeu demande vraiment de la concertation, alors qu’à 2 joueurs, on est dans de la compétition pure. Le jeu peut aussi se jouer seul, comme un défi solo à affronter.

  Je devine des intéressés qui se seraient arrêtés à la mention de la première phrase : « en anglais ». C’est ce qui m’a fait hésiter personnellement, car j’avais peur que mes joueurs soient rebutés, et je voulais attendre une version française… Mais j’ai eu beau attendre, rien ne s’est profilé à l’horizon (question de droits je suppose…) et rien n’est encore annoncé alors qu’une sixième extension arrive… J’ai donc craqué mais ce jeu légendaire s’est mérité car il a été très difficile de me procurer la boîte de base. Alternativement, celle-ci et les extensions sont en rupture chez les différents distributeurs français, et ce n’est donc parfois pas simple d’avoir ce très bon jeu dans sa ludothèque. Pour en revenir à l’anglais : rien de gênant, les textes sont très simples. La seule difficulté sera peut-être de lire et comprendre la règle mais il suffit d’un joueur bien pédagogue et le tour est joué. Le prix peut également en arrêter plus d’un : entre 60 et 70 euros pour un jeu de cartes, c’est fort ! Il faut penser qu’il y a sûrement derrière cela la question des droits Marvel et poser la tronche de Spiderman sur une couverture a clairement un prix.

  Au final, je ne regrette pas du tout l’achat tant le jeu a vite été rentabilisé (si tant est qu’un jeu puisse être rentabilisé). J’ai cependant été déçu par le matériel : les cartes sont sympathiques et les illustrations bien choisies, mais la boîte n’est pas du tout pratique pour ranger cette masse de cartes ! Un thermoformage à la Smash Up pour distinguer les familles de cartes aurait été bienvenu, surtout à ce prix. En somme, ce sera souvent au possesseur du jeu de construire son propre rangement (j’ai opté pour les séparateurs customisés personnellement) afin de rendre la mise en place et le rangement moins laborieux (car il faut avouer que cela peut prendre un certain temps !).

 

 

  Pour entrer davantage dans les détails, le jeu est également très appréciable pour son respect envers l’univers Marvel : Loki essaiera de semer le trouble dans l’équipe, Magnéto est l’ennemi attitré des X-Men, Spiderman fonctionne mal avec des grosses frappes mais très bien avec des petits super-héros, Malicia s’approprie les meilleurs pouvoirs des autres, Nick Fury s’appuie sur les agents du SHIELD, Wolverine régénère tandis que Cyclope est plus fort quand il fait des sacrifices, etc. Quant à Deadpool, il est totalement fou et ses stratégies sont idiotes mais peuvent fonctionner à merveille. C’est Deadpool, quoi... Les spécificités de chaque héros ont été choisies en fonction de leur personnage dans les comics et c’est souvent extrêmement bien vu. Bref, le jeu est bourré de clins d’œil pour qui saura les voir. Pour tout dire, les héros qui fonctionnent les mieux ensemble sont souvent ceux qu’on a déjà vus en équipe dans l’univers Marvel, ce qui est amusant.

 

 

Les extensions :

  Comme je le disais, une foultitude d’extensions vient encore étoffer ce jeu déjà riche. J’en possède trois personnellement, et il est vrai que les combinaisons possibles sont maintenant impressionnantes. Cependant, avec maintenant 42 héros dans ma boîte (!!!), les équipes sont parfois improbables. Difficile par exemple d’espérer une combinaison avec les Avengers sachant qu’ils ne sont que 6 parmi tous ces héros. Il peut donc parfois être intéressant de ne pas tirer au hasard les personnages à sélectionner mais plutôt de créer des scénarios : tous les Avengers contre Loki qui veut détruire l’héliporteur du SHIELD, des X-Men menés par Cable contre Sinistre qui veut enlever Hope, les Quatre Fantastiques et le Surfer d’Argent contre Galactus, etc. Un fan des comics peut facilement choisir lui-même le Scheme, le Mastermind, les Vilains et les Héros afin de recréer une histoire existante, et c’est, il faut l’avouer, très enthousiasmant à jouer… En général, le jeu est rendu plus difficile par les extensions, certaines familles de vilains étant particulièrement ardues à combattre.

  Petit point sur les 3 extensions que je possède, en passant sous silence celles que je n’ai pas (Les Gardiens de la Galaxie, permettant de jouer Rocket Racoon contre Thanos – ça fait rêver – ou encore Vilains qui retourne le jeu en nous faisant interpréter les méchants contre les super-héros) :

 

 

 

Dark City :

  Avec 17 nouveaux héros et 5 Masterminds, cette grosse boîte est plus riche que le jeu de base ! Elle propose quelques nouveautés bienvenues, comme la capacité Teleport, permettant de garder une carte pour le tour suivant, ou Versatile permettant de choisir entre recrutement et combat (Bribe ne m’a pour l’instant pas convaincu, par contre). C’est avec plaisir que Jean Grey, Punisher, Daredevil, Angel ou encore Ghost Rider partiront au combat contre des méchants ardus comme le Caïd, Mr Sinister, Méphisto lui-même ou encore Apocalypse !

  L’extension propose également une nouveauté bienvenue : de nouveaux civils (les Bystanders) particuliers qui offrent des pouvoirs quand on les sauve. De plus, le jeu de base tournait un peu en rond avec ses quatre familles de Henchmen Vilains, ces dix cartes identiques qui envahissent le deck vilain pour se faire la main. Avec deux nouvelles familles, le jeu acquiert de la richesse et du renouvellement. A noter également qu’à partir de cette extension, les super-héros bénéficient de quatre illustrations différentes, ce qui est plutôt agréable pour un jeu inspiré de comics…


 

Fantastic Four :

  Vous l’avez compris, la famille légendaire de Marvel et son pote le Surfeur d’Argent arrivent dans le jeu avec un nouveau pouvoir : le Focus, qui permet de dépenser des points de recrutement pour d’autres actions, idéal en fin de partie quand recruter n’est plus utile. Face à eux, des vilains très retors comme les Hérauts de Galactus et leur Cosmic Threat qui nous fera revoir toute notre stratégie et la Subterranea de l’Homme-Taupe et leur capacité Burrow fatigante. Galactus amène en mastermind des parties complexes et intenses, qui changent totalement le mode de jeu avec une nouvelle condition de défaite.

 

 

 

Paint the Town Red :

  Les connaisseurs du jeu se sont vite aperçus que le pauvre Spiderman de la boîte de base était trop isolé pour être efficace. Peu puissant en lui-même, il ne fonctionne qu’en combinaison avec des cartes faibles, trop rares dans les premiers héros. C’est chose réparée avec cette boîte aux couleurs de l’araignée. Si les héros choisis sortent un peu de derrière les fagots, les combinaisons proposées sont très enthousiasmantes, notamment grâce à la capacité Wall-Crawl qui permet de jouer au prochain tour les héros que nous venons d’acheter. Face à eux, Mysterio et Carnage donnent du fil à retordre, surtout ce dernier et la capacité Feast de ses vilains, qui tuent la première carte de notre deck (pas de bol si c’était une bonne carte)… L’extension propose donc de jouer sur la première carte de notre deck et il faut essayer dans ce jeu de toujours savoir ce qui arrive finalement. Comme le sixième sens de ces héros-araignées, oh que c’est subtil.

 

 

  Voilà pour ce tour d’horizon d’un jeu très riche et plaisant à jouer, peu connu en France bien que les spécialistes en parlent de plus en plus, et pourtant facilement accessible à tous. Un coup de cœur chez moi, et pour l’ensemble de mes joueurs : il n’est pas rare que deux ou trois parties s’enchaînent, même avec des joueurs peu réceptifs à l’univers Marvel.

 

Par Robert Mudas.

 

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20 avril 2015 1 20 /04 /avril /2015 09:50

L'extraterrestre parmi nous.

 

Un roman de Matt Haig

Titre original : The Humans

Date de parution originale : 2013

 

 

  La question n'est pas nouvelle : que penserait un extraterrestre de notre civilisation s'il arrivait sur la Terre ? La question n'est pas nouvelle car le génial Voltaire l'avait déjà traitée dans Micromégas en 1757 pour critiquer l'anthropocentrisme obscurantiste des mauvais penseurs de son époque. En 2013, Matt Haig utilise cette fois-ci la forme du roman, et non du conte philosophique, en partant de la même idée de départ. Cette fois encore l'idée est de faire une critique des défauts de l'humanité mais aussi curieusement un éloge des belles choses que nous avons pour nous : la foi, la famille, l'amour, l'espoir, ou encore l'art pour ne citer qu'eux. Changer de point de vue (c'était l'idée de relativisme chère aux Lumières, on y revient !) permet de regarder les Humains sous un oeil différent et c'est vrai que ce roman peut nous amener à réfléchir tout en nous proposant une histoire intéressante, bien menée et plutôt bien écrite.

 

  Si j'ai lu ce livre, ce n'est pas par hasard. En effet, j'ai l'occasion d'être cette année concerné par le Prix Chimère, un prix décerné par les lycéens de France dans une sélection de cinq romans traitant les mondes de l'imaginaire (fantasy, science-fiction ou fantastique). C'est notamment là qu'on a pu entendre parler de Divergente ou Hunger Games... Loin de moi la volonté de dire que ce livre aurait dû cette année gagner le prix (c'est Kéléana l'assassineuse de Sarah J. Maas qui a gagné, et il n'est pas dénué de qualités). Cependant, le bilan final avec les lycéens lecteurs nous a montrés que c'était Humains qui avait le plus surpris et étonné les élèves, et entraîné également les réflexions les plus profondes.

 

 

  Le roman, écrit à la première personne, est le journal d'un narrateur extraterrestre venu sur Terre avec la mission de remplacer Andrew Martin, un mathématicien amené à découvrir la démonstration de l'hypothèse de Riemann (je ne connaissais pas du tout, mais des professeurs de mathématiques ont pu m'en parler et c'est passionnant !). La découverte paraît anecdotique mais, selon les extraterrestres, elle serait le point de départ de beaucoup de malheurs et d'une dangereuse évolution de l'espèce humaine. L'hypothèse concerne d'ailleurs les chiffres premiers et le narrateur fait souvent référence à ceux-ci comme la clé de toute chose : c'est seulement une anecdote amusante, mais assez intéressante pour que je veuille la mentionner ici !

  L'extraterrestre doit donc prendre la place de cet Andrew qu'on nous révèle de moins en moins sympathique et enquêter sur les personnes qui auraient pu avoir vent de sa découverte afin de les éliminer. Se comporter comme un humain est un choc pour le narrateur, et le roman permet de créer un décalage rapide et bien mené en nous interrogeant sur le bien-fondé de la plupart de nos habitudes. Petit à petit, l'extraterrestre va pourtant apprécier les petits détails de notre condition mortelle qui donnent goût à la vie, voire même montrer plus d'humanité que l'homme qu'il remplace... Amené à intéragir en tant qu'époux, amant, père et meilleur ami, il va nous montrer ce qu'un regard extérieur voit en nous : nos défauts et nos qualités.

    

  Amusant, intelligent et sans doute émouvant pour les adolescents (sans doute...), le livre est attachant même s'il n'échappe pas à des facilités totalement grossières telles que la fin. Mais le propos est juste, le ton aussi, et sans aller peut-être assez loin dans la critique de nos comportements, il comporte de très beaux passages tels que le guide des conseils adressés à un fils adoptif.

 

  Même s'il n'a pas gagné le prix à l'échelle nationale, il a recueilli le plus de suffrages dans mon établissement et il m'a l'air d'une lecture intéressante et intelligente pour des lycéens. Les dernières pages annoncent une adaptation cinématographique prévue : on sera peut-être amené à en entendre parler à nouveau donc !

 

Par Robert Mudas.

 

A lire aussi :

 - Critique sociale + extraterrestres = District 9 !

 - Difficile d'évoquer les extraterrestres sans parler de Doctor Who...

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18 février 2015 3 18 /02 /février /2015 00:00

Le film muet qui fait parler.

 

Un film de Michel Hazanavicius

France

2011

 

Avec :

  Jean Dujardin : George Valentin

  Bérénice Béjo : Peppy Miller

 

http://pmcdeadline2.files.wordpress.com/2012/01/the_artist__120122060929.jpg

 

  Inutile de présenter The Artist, le film qui a récolté de nombreux prix et projeté Dujardin sur la scène hollywoodienne. Le film m'attirait mais je n'avais pas eu l'occasion de le voir en salle à l'époque, c'est chose maintenant réparée. Et j'avais bien raison de dire qu'il m'attirait, car il faut avouer qu'on a là une franche réussite.

 

http://www.cinemasgaumontpathe.com/upload/galerie/films/6021/the-artist-19-10-2011-3-g.jpg

 

  Ce film est un hommage évident et efficace envers le cinéma et son histoire. George Valentin est un célèbre acteur de films muets, rencontrant par hasard la pétillante Peppy Miller. Au fur et à mesure de rencontres fortuites, la notoriété du grand acteur influencera celle de la petite figurante, amenée petit à petit à crever l'écran. Mais le cinéma évolue, et le muet passe brutalement au son. Le vieil acteur ne voudra pas s'adapter à ce cinéma, tandis que la petite jeune s'y intègre sans souci. Et l'élève dépasse finalement le maître...

 

http://jto.s3.amazonaws.com/wp-content/uploads/2013/01/ff20120406a2a.jpg

 

  Le film regorge de qualités : l'histoire est touchante, l'interprétation est juste, la réalisation est assez efficace pour parfois se croire dans un Chaplin ou un Keaton (c'est dire), et l'hommage au cinéma est évident (peut-être un peu trop évident, ce serait peut-être le seul défaut). Hazava... Hanazavi... Le réalisateur s'amuse et adapte son oeuvre à l'évolution du cinéma et c'est tellement réussi qu'on pourrait avoir l'impression d'assister à un cours d'histoire du cinéma. En témoigne cette belle scène, surprenante et singulière, où Dujardin est choqué de percevoir du son : cette mise en abyme plutôt osée qui brise l'illusion narrative en nous rappelant que George Valentin n'est qu'un personnage est un moment clé du film.

 

http://1.bp.blogspot.com/-rtOliAAWX1s/T0YsfwQchJI/AAAAAAAACtM/uP2lHIgYIqc/s1600/the_artist_dc.jpg

 

  Cet aspect métafilmique n'annule pas pour autant la réussite de la fiction, puisque les personnages sont touchants et intéressants. Il faut dire que les acteurs n'y sont pas pour rien : Dujardin cabotine à fond, et on sait combien ça lui va bien. Bérénice Béjo fait craquer tout le monde par son joli minois et son charme ravageur. Bref, tout est là pour nous faire nous attacher à la fiction, et assister à l'évolution historique du cinéma qui blessera un personnage tandis qu'elle glorifiera l'autre.

 

 

  L'image du couple dansant est celle qui a marqué tout le monde, mais le film ne joue pas que dans l'humour et la légéreté, loin de là. C'est bien une vraie histoire complète et riche qui nous est donnée à voir, histoire qui sert finalement à merveille d'exemple pour un cours sur l'Histoire du cinéma.

 

Par Robert Mudas.

 

 

 

 

 

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15 décembre 2014 1 15 /12 /décembre /2014 14:15

Et Si nos jours n'etaient plus comptés

  Edge-of-Tomorrow-UK-Quad

 

EDGE OF TOMORROW

 

Réalisation : Doug Liman

 

  Distribution :

  Tom Cruise (Major Bill Caje)

Emily Blunt (Rita Vrataski)

Bill Paxton (Maitre Sergent Farell)

Brendan Gleeson (General Brigham)

 

 4juin 2014

Durée : 1h53 min

 

Pitch : Terre, dans un futur très proche. Une Race Alien surnommée les  "mimics" décime la population. Venus d'on ne sait où, ni pourquoi, ces derniers semblent imbattables et l'humanité se retrouve confronté à sa fin proche.

Une lueur d'espoir subsiste en la personne de Rita Vrataski, étant la seule, avec son exosquelette, à avoir fait reculer l’ennemi à Verdun.

C'est en pleine période de propagande pro new armada que le « commandant » William Cage se retrouve parachuté au front, pour promouvoir contre son gré la puissance de ces fameux exosquelettes dont il a organisé la propagande.

edge-of-tomorrow-emily-blunt-rita vitarski J'aime beaucoup cette image de propagande qu'on nous balance dès le début du film qui n'est pas sans rappeler "starship troopers".

 


Lui qui n'a jamais été qu'un publicitaire, soldat en col blanc à la solde de l'état, qui n'a jamais tenu une arme, va se retrouver envoyé en ligne de front pour le « débarquement », bataille décisive de cette guerre, et mourir aussi violemment une fois à terre.

Un instant plus tard il ré-ouvre les yeux sur le même tarmac où il a été debarqué comme déserteur quelques heures plus tôt, le voilà condamné à revivre cette journée en boucle... Vivre , mourir, recommencer....


 

 

Critique : AH bordel que ça fait du bien un aussi bon film de science fiction.

Edge of tomorow est avant tout une adaptation du manga « All you need is kill » lui-même adaptation du roman du même nom de Hiroshi Sakurazaka.

Et "oh mon dieu" on a entendu mes prières ! Enfin un film à grand renfort de CG au service de l'histoire et pas l'inverse. Rien que ça merci !


Kill1

N'ayant lu que le manga et pas encore jusqu' a la fin, je vais vite passer sur ce que sûrement les fans du matériel de base pourraient critiquer : oui les personnage n'ont pas tous le même nom.

Il n'ont pas le même age et l'histoire n'est pas située au même endroit dans le globe, l'intrigue ne se déroule pas de la même manière , etc.

 

Mais en ce qui me concerne lorsqu'un film prend volontairement la peine de ne pas s’appeler de la même manière que son matériel d'origine c'est ce qu'on appelle UNE VRAIe ADAPTATION.

 

                                                                                          

 

                                                                                                                 (si vous aimez les mangas, jetez-vous dessus tout de même,

                                                                                                                                            c'est de la bonne également )

 

On prend le message principal, on le fait sien et on essaie de l’emmener plus loin (bon à vrai dire le film porte le même nom chez nos amis nippons donc à voir si c'est pour draguer les adeptes du manga ou si un département de com un peu mou du genou en est responsable).

 

Le manga, un peu trop adolescent à mon goût, est certes une « tuerie » et je pense me procurer le roman d'ici peu, mais le propos du film, lui, a été rendu plus mature et surtout plus occidentalisé.

Plus occidentalisé dans le sens où si la bataille de l'espoir s'est joué à Verdun,ce n'est pas sans rappeler une certaine Grande Guerre.

Que la bataille décisive du « Débarquement » se passe en Normandie, faisant lui-même écho à un autre débarquement d'une autre Grande guerre y joue un rôle également.

J'irai même jusqu'à noter l’opportunisme de sortir le film proche du 70ème anniversaire de l'appel du 6 juin 1944 fêté cette année : ce n'était certainement pas un hasard.

Et plus mature, car on se retrouve face à des protagonistes en plein âge mûr, dans lesquels n'importe quel clampin, qu'il ait 70 ans ou 20 ans peut se projeter et ressentir de l’empathie.

C'est toujours un peu plus compliqué quand le héros a 15 ans et agit comme un gosse capricieux, on va forcément mettre ça sur le dos de l'adolescence et perdre une partie du message.

 

 Car première surprise dans le film, Tom Cruise/Cage est un infect connard ! il est un soldat en col blanc, plus intéressé par sa côte de popularité auprès des grands pontes, que par l'issue réelle de la guerre.

Et on éprouve une certaine satisfaction à le voir se faire envoyer au casse-pipe par le Général Brigham. Genre de sentence divine :  « On récolte ce que l'on sème. »

 

edge-tomorrow-tom-cruise-reviewsEdge-of-Tomorrow-Alpha-Mimic

- Y a des matins comme ça tu te dis que t'aurais dû rester couché -



Cage n'aurait jamais eu assez d'une vie pour apprendre la patience, l'humilité, ni même le respect de son prochain. Lui qui est un parfait produit de notre société consumériste et égocentriste.

Grâce à cette boucle temporelle dans laquelle il se retrouve coincé, sans savoir au début comment, ni pourquoi  (et y a-t-il réellement un pourquoi ?), il va grandir, mûrir et finir par approcher celle qui selon lui pourra le sauver et les sauver tous : Rita Vrataski, « The FULL METAL BITCH », une icône de l'envergure de Ripley d'Alien. Excepté que ce n'est pas elle le héros mais bon on s'en contentera ça devient suffisament rare de nos jours.

 

emily-blunt-edge-of-tomorrowC'est ce qu'on appelle "avoir de la prestence"

 

Au moment de cette rencontre, un tournant majeur s'effectue dans le récit. Cage se retrouve pris en main par Rita qui va finir son apprentissage et faire de lui une "Une Arme" et surtout un « Homme ».

 

La relation qui lie Cage à Rita est parfaitement jouée, juste, belle et touchante.

Cage condamné à revivre cette même journée garde en mémoire, ainsi que son corps, tout ce qu'il a vécu dans les boucles précédentes.

Mais Rita qui s'occupe de son perfectionnement, elle, ne se souvient de rien, mais telle la guerrière pragmatique qu'elle est, elle ne lui fera aucun cadeau et n'a qu'un objectif : finir cette guerre et poutrer de l'alien à coups de pelle à tarte façon Cloud de FF7 (oui je suis une geek et alors).


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Bref cette femme loin des codes hollywoodiens actuels, fait du bien a voir.

Rita n'a pas besoin d'être secourue, même si Cage est persuadé du contraire et mettra du temps à comprendre. Elle est une femme forte, burnée, qui est une leadeuse dans l'âme. Elle se bat pour un futur meilleur, même si elle, elle se sait condamnée.

 

Les rares moments où Cage joue le citadin avec elle et où elle se livre sur son passé, ne font pas d'elle une femme fragile (le fameux « mais j'ai des sentiments aussi »). Il font d'elle un être humain, mais qui ne se complait pas dans ses moments de malheur, et l'ont rendue plus forte.

 

Tout ça renforcé par une excellente narration, qui emprunte beaucoup à son ainé Un jour sans fin. Raconter un parcours initiatique, sans tomber dans des lourdeurs burlesques et des effets de répétition à outrance. Aucune scène ne se ressemble et on est toujours dans l'avancement permanent . Même les moments de doute de Cage sont parfaitement mis en scène, et offrent au spectateur un léger moment de recul et de repos bien mérité avans de replonger tête la première dans l'action.

Le dosage est très bien senti entre scènes d'action et confidences sur l'explication de la boucle. Quant au background de l'invasion des aliens, il n'a d'ailleurs n'a pas de réelle explication et à vrai dire  on s'en fout.

Aucune punition divine a l'horizon, juste des êtres doués d'un extrême intelligence et d'une violence rare qui viennent juste tout détruire. Là aussi bonne surprise de la part d'un blockbuster hollywoodien.

 


Visuellement ce film est magnifique. Les scène de batailles, trash, sans merci avec des humains dans des exosquelettes qui se croient des guerriers sanguinaires et qui se pissent aussitôt dessus une fois devant l'ennemi.

Mais là où beaucoup de films de ce style se complaisent dans la beauté de l'action, souvent trop propre et policé, ici ça explose de partout, c'est sale, ça sent la sueur et le sang, la vraie sale guerre et franchement hormis le goût de l’adrénaline, personne n'aurait envie d'être à la place des ses malheureux.

Les Aliens sont aussi terrifiants qu'ils pètent la classe, certes on n'est pas au niveau de dieu le père « ALIEN », mais on s'en approche (beaucoup plus que les espèce d'oursins géants du manga, qui avaient plus l'air d'être sortis d'un hentaï dégueulasse que d'une lointaine galaxie ) .

 

alien degs

 

 

 

 

histoire de vous rendre compte de ce qu'étaient les mimics dans le manga... Quand je vous dis "tout droit sortis d'un hentai dégueulasse"... et encore je ne vous ai pas montré comment ils tuent leur victimes...


 

 

 

 

 

 

Et Rien que pour sa vision d'un Paris post guerre mondiale, loin des affiches publicitaires qu'on avait vues placardées ici et là, ce film vaut le coup d’œil. Car oui l'action (j'ai oublié de vous le dire) se passe principalement en France, et je vous le dis : le monde est peut être foutu mais on a réussi à passer le 21ème siècle dans les films ricains, youhou ! (si si je crois que j'ai vu une mégane ou deux par-ci par-là).


Edge-of-Tomorrow-Aliens-Rita-VrataskiLes scènes de combat au début du film sont clairement époustouflantes et vous mettent directement dans le bain.

 

Tout est est bon dans ce film exceptées, peut être, les cinq dernières minutes qui franchement ne servent à rien hormis permettre aux producteurs de diffuser cette bombe en salle.

Je digresse mais c'est vrai que c'est un peu dommage de finir cet excellent film avec un tel final juste avant, sur une scène aussi préchi-précha. Même si elle a du sens.

 

  Bref, ça me coûte d'écrire ça , mais si 5 minutes très convenues pour finir un film peuvent permettre de livrer un putain de film de SF comme ça faisait très longtemps qu'on n'en avait pas vu, et bien soit ! L'important n'est pas vraiment comment ça se termine mais plutôt comment tout cela a évolué.


edgeoftomorrowtitle3

 

Bilan : vous n'aimez pas Tom cruise, pas grave ce pauvre fou se fait complètement effacer par sa collègue Emilie Blunt qui m’impressionne à chaque film dans ses interprétations, très loin du rôle de la petite écervelée du « Diable s'habille en Prada » qui voulait voir Paris.

C'est un film humaniste, qui comme tout bon film de SF, remet l'homme et ses travers au milieu du récit en nous confrontant à des situations extrêmes et nous amène à nous poser des questions sur notre condition.

Si l'histoire n'est qu'un éternel recommencement, nous devons impérativement apprendre de nos erreur passées, prendre l'enseignement de nos mentors et ne pas oublier.

Et c'est aussi avant tout un très bon divertissement. Et après 2h j'en aurais bien repris encore.

 

Si vous n'avez rien a mettre sous le Sapin ce noël …. voilà juste une petite idée.

 

Par Darkim Lain.

 

A lire aussi :

 - Si vous aimez les boucles temporelles, la série culte de SF Universal War One est là pour nous donner une bonne leçon.

 - Dans le genre "film de SF original sortant des entiers battus", n'oubliez jamais l'excellent District 9.

 - SF, voyage dans le temps, extraterrestres... On parle de Doctor Who ou pas ?

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1 décembre 2014 1 01 /12 /décembre /2014 16:30

Le Civilization de ceux qui n'aiment pas Civilization.

 

Editions Z-Man Games

Un jeu de Christian Marcussen

Illustré par Chris Quilliams

2012

 

De 2 à 4 joueurs

3h

60 euros

 

http://www.aquiletour-asso.com/wp-content/uploads/boite_clashofcultures.jpg

 

  Mon dernier article ludique parlait d'un tout petit jeu efficace et rapide. Et bien, nous changeons de registre aujourd'hui avec ce très gros jeu, cher, complet et long. A vrai dire, c'est tout-à-fait ce que je cherchais à l'époque de son acquisition, puisque le seul énorme jeu que je possédais était Starcraft, et son thème SF comme son lien avec le jeu vidéo le rendent parfois difficile d'accès. Le gros jeu de civilisation connu et recommandé par tous à l'époque et encore aujourd'hui, c'est Sid Meyer's Civilization, lui-aussi adaptation de jeu vidéo. Manque de chance, je n'apprécie guère ce gros jeu que je trouve trop froid. Quelle joie alors de voir arriver Clash of Cultures en 2012, s'imposant de suite comme le concurrent idéal ! Même si, je le dirai dans cet article, il n'est pas exempt de défauts tout de même...

 

  Le jeu commence pour nous avec une petite colonie, un colon pour en construire une nouvelle, ainsi que deux développements acquis : la récolte et les mines. A partir de là, chaque joueur va être amené à faire des choix pour développer sa civilisation : agrandir ses villes en construisant de nouveaux bâtiments, développer de nouvelles connaissances, créer des armées, attaquer les campements barbares ou même les ennemis, voire construire les prestigieuses merveilles. Pour ce faire, 6 phases de jeu, chacune composée de 3 tours, chacun composé de 3 actions par joueur. Oui, le jeu sera long, il faut l'avouer, mais cela permet d'avoir vraiment l'impression de voir évoluer notre société et en cela l'immersion est fort efficace. D'autant plus que les règles sont globalement (sans parler des points particuliers comme le combat, la navigation, les barbares ou certaines combinaisons technologiques...) faciles à assimiler. Non, le vrai problème de fluidité du jeu ne vient pas de la longueur ou des règles mais seulement des développements à faire : 48 évolutions technologiques dans 12 catégories différentes, qui parfois se cumulent entre eux pour alourdir sérieusement les tours par une accumulation de "je fais ça donc ça me donne ça, ce qui, grâce à ça, me permet de faire ça tout en gagnant ça parce que ma colonie est là. Et donc, ça, c'était une action gratuite, je commence mon tour maintenant..." Ce genre d'enchaînement, d'une lourdeur terrible pour le débutant et pour le joueur qui ne joue pas, me donne toujours l'impression de forcément oublier une dizaine d'éléments par partie et me fait penser qu'il me faudrait une intelligence artificielle pour gérer ces mécanismes à ma place. Un jeu vidéo en fait... C'est un peu dommage quand un jeu de plateau donne cette sensation (qu'on peut aussi parfois ressentir dans certains jeux à combinaisons de cartes tels que le pourtant très bon Seasons).

 

http://bdml.free.fr/clashofcultures_plateau.jpg

 

  Bon, cette lourdeur étant assez évoquée pour que ma critique soit juste, expliquons maintenant pourquoi ce jeu mérite qu'on se creuse les méninges à essayer de gérer tous ces petits points. Jamais l'impression de construire une civilisation n'aura été pour moi plus forte que dans ce jeu. Le tableau des technologies, aussi énorme soit-il, est aussi extrêmement intéressant pour les idées qu'il propose. Chaque petite technologie apporte un petit truc : une meilleure défense contre des événements (exemple : l'irrigation évite la famine. Logique !), l'opportunité de construire certains bâtiments, avoir des petits bonus plus ou moins conséquents (les routes commerciales, donnant de l'or en fonction de notre proximité aux voisins en début de tour par exemple), la capacité à rendre nos villes plus ou moins heureuses et donc plus productives, ou même l'occasion de faire la guerre plus ou moins facilement ! Ces bonus sont souvent très logiques et dans le thème, et les combinaisons montrent une vraie réflexion sur le lien entre thème et mécanismes : j'apprécie par exemple particulièrement le fait que la démocratie soit incompatible avec un régime trop militaire, ou que les idées qui permettent de faire des développements plus facilement soient limitées quand on est... dans un régime fondé sur la religion. Ce seul point me fait sourire à chaque fois que je l'explique et j'adore ce genre de prise de risque de la part des auteurs !

 

  Autre excellente idée des auteurs : si la lourdeur se fait sentir dans les technologies, elle est pour une fois dans un tel jeu absente du comptage de points final. En effet, ici, le score final se calcule très facilement : on compte le nombre de bâtiments construit par chacun, ses objectifs résolus, ses merveilles (traditionnelles dans ce genre de jeu, mais peu puissantes pour celui-ci dans leurs effets), et ses développements. Point. C'est tout. Ainsi, les scores sont souvent très serrés, à deux points (voire un demi !) près, et rien ne doit être fait de façon innocente et non réfléchie pour pouvoir gagner. Ainsi, aussi, la force militaire devient tentante en fin de partie pour récupérer les villes adverses et leurs points de victoire, et il faudra sérieusement s'en protéger si on est en tête ! De plus, le titre du jeu l'annonce : on peut aussi piquer des bâtiments adverses sans combattre. En effet, les civilisations peuvent utiliser leur force culturelle pour tenter d'influencer la colonie voisine (à coups de slogans publicitaires et de bimbos écervelées, à n'en point douter) et récupérer presque pacifiquement un bâtiment qui devient de notre couleur. On fait perdre un point à l'ennemi, on en récupère un, et ce n'est même pas une manoeuvre militaire... C'est bien sûr moins payant que la guerre en elle-même, mais ce genre de pratiques peut changer la donne en fin de partie, même si j'ai tendance à la trouver un peu faible pour vraiment en faire la spécificité du jeu.

 

http://www.jedisjeux.net/img/800/clash-of-cultures-1842-1348412656.png

 

  Enfin, l'autre allégement des auteurs est d'avoir représenté virtuellement nos ressources. En effet, pas de cubes en bois dans ce jeu (ça y est, j'en vois qui râlent au fond !), mais une échelle sur notre plateau individuel sur laquelle des curseurs nous montrent le nombre de ressources que nous avons. Tellement simple et pratique qu'on se demande pourquoi personne n'y avait pensé avant...

 

  J'ai parlé de cartes objectifs il y a deux paragraphes. En effet, on aura au long du jeu des cartes actions permettant de faire de petits coups bas du plus bel effet mais aussi des cartes objectifs qui sont une composante très importante du score final. Ces cartes nous demanderont de réaliser une condition précise dans le développement de notre civilisation ou lors d'un combat, afin de gagner deux points de victoire. Elles peuvent nous imposer de construire tels bâtiments, de construire beaucoup de colonies, d'avoir beaucoup de ressources, d'avoir tels développements, etc. Les joueurs chafouins râleront que cela oriente trop la stratégie mais j'y vois personnellement une bonne opportunité de varier les parties car selon les objectifs, on sera peut-être obligé de ne pas faire notre coup traditionnel et de privilégier une autre voie tout en choisissant le bon moment pour le faire. Ce mécanisme est vraiment l'originalité du jeu, qui peut faire rager quand l'autre résoud en deux actions une carte alors que nous y sommes depuis quatre tours, mais qui diversifie les parties et oblige à parcourir toutes les facettes du jeu.

 

http://blog.metagames.co.uk/wp-content/uploads/Clash-of-Cultures-game.jpg

 

  Car des facettes, il y en a encore beaucoup que je n'ai pas expliquées. Les barbares, les bâteaux (même s'ils sont particulièrement malmenés par les règles et quasiment sans intérêt : mon gros regret du jeu), les événements qui se déclenchent quand notre technologie progresse, l'humeur des villes qui tombe quand on les utilise trop, l'expansion des villes qui dépend du nombre de villes que l'on a, nous interdisant de rester seul dans un coin du plateau, et j'en oublie encore. Le jeu est donc riche, complexe pour un débutant mais tellement jouissif pour un connaisseur.

 

  Une extension est sortie en version originale, proposant différentes civilisations et donc des techniques maintenant spécifiques pour chaque joueur. J'ai très hâte qu'elle sorte en français afin d'à nouveau renouveler un jeu que j'ai eu la chance de beaucoup pratiquer.

 

http://shop.goodgames.com.au/media/catalog/product/cache/1/image/9df78eab33525d08d6e5fb8d27136e95/c/l/clash_of_cultures.jpg

 

  Par Robert Mudas.

 

A lire aussi :

  - Et si on rajoutait de la magie dans ce concept et qu'on en faisait un jeu de gestion ? Terra Mystica : LE JEU des dernières années.

 - Moins civilisationnesque et plus bourrin : plongeons dans la Grèce antique avec Cyclades !

 - Et puis, puisqu'on fait naître des civilisations, pourquoi ne pas parcourir les ruelles de Rome...

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