Monsieur Bajram ou l'art de construire une histoire
Scénario et dessin de Denis Bajram
Edition Soleil
Série achevée en 6 tomes.
1998-2006
Série de science-fiction, Universal War One, UW1 pour les intimes, est une véritable perle. Un chef-d'oeuvre. Une bande-dessinée culte.
Pour quelques raisons évidentes. Un scénario béton, et quand je dis béton c'est que tout compte, tout est planifié, écrit dès le départ et que rien n'est innocent.
A côté de cela, il y a un dessin assisté par ordinateur qui sied à merveille le scénario. Béton, le scénario, faut-il le rappeler.
Derrière ce scénar (béton, d'ailleurs), des messages forts et traîtés de façon impressionnante. Comme toute oeuvre de science-fiction qui se respecte.
Enfin, pour servir ce scénar - béton -, des personnages complexes, intéressants, et attachants, dont l'histoire est révélée peu à peu au fil des tomes.
Comme dans un scénar béton, quoi.
Tome 1 : La genèse
Dans le futur, la Terre est tout entière unifiée aux mains de l'United Earth Forces. Mais une menace de guerre silencieuse apparaît : un gigantesque mur ténébreux et infranchissable dans lequel l'espace-temps est entièrement déréglé. L'escadrille Purgatory, composée de soldats très peu conventionnels, image réduite de l'Humanité avec ses défauts et des excès, sera la première confrontée à ce problème.
Un tome d'introduction particulièrement efficace, dans lequel on apprend peu à peu à connaître des personnages très bien construits et un univers tout aussi complexe. Le tome commence par un flasback concernant le passé d'un personnage, suit la progression d'un texte biblique et s'achève sur un impressionnant clifhanger, donnant à la série la structure qu'elle gardera tout du long.
Tome 2 : Le fruit de la connaissance
L'escadrille Purgatory est passée à travers le Mur et se trouve maintenant en territoire ennemi. Un ennemi qui prend un nom, une motivation, et un potentiel danger.
Bajram profite de ce tome un peu lent pou nous initier avec brio aux aléas des voyages spatio-temporels et pour nous montrer combien la folie militaire peut mener à la destruction. Quand on parle de morale sur le présent dans la science-fiction...
Tome 3 : Caïn et Abel
Episode inoubliable, ce troisième tome ralentit l'action pour nous isoler totalement dans un paradoxe temporel brillamment mené. Dans la lignée des Barjavel et K.Dick, Bajram s'amuse à travers le personnage de Kalish à faire le bilan de tout ce que la science-fiction a imaginé pour rendre possible le paradoxe temporel.
Et en profite pour placer sa propre vision des choses dans un tome bouleversant d'intelligence et de beauté, dont la couverture même donne l'idée.
Tome 4 : Le déluge
Encore une fois, une couverture de toute beauté nous présente l'idée générale du tome : la catastrophe. La destruction de la Terre, rien que ça.
L'album sortant au lendemain des attentats du 11 septembre, Denis Bajram se dit choqué: la réalité a rejoint la fiction. Finalement, le hasard a voulu valider sa conception péjorative d'une humanité auto-destructrice. La dimension temporelle reste présente, avec des personnages qui évoluent dans la même réalité que ceux du début de l’histoire… Profitons-en pour louer encore une fois le scénario qui sans aucune fausse note joue sur plusieurs trames temporelles différentes en même temps.
Frappant également dans ce tome, la portée idéologique, avec un tableau d’une société future où règne un capitalisme de grande ampleur (Le MacDo comme restaurant gastronomique m’a beaucoup marqué…)
Un tome d'une finesse rare et à la fin inattendue.
Tome 5 : Babel
On pouvait donc faire encore plus sombre que le précédent tome... Les héros sont cette fois-ci catapultés dans un futur apocalyptique. Les héros, tout autant losers qu'au début de l'histoire, semblent les derniers survivants à pouvoir faire quelque chose. On sent vraiment dans ce tome encore une fois très bien écrit leur déroute et leur perte de repère.
Bajram nous amène avec eux vers la conclusion de son hallucinante fresque de science-fiction.
Tome 6 : Le patriarche
Voilà donc la fin de la saga et toutes les révélations attendues, tout-à-fait logiques dans la continuité de l'histoire. Si l'on ressent en fermant ce tome une pointe de déception c'est parce qu'on vient de finir la série de bande-dessinée la plus réussie à ce jour.
Avec, en prime, un joli idéalisme final qui nous empêche de sombrer dans la dépression après la noirceur des tomes précédents.
Par Robert Mudas