Du Brel à l’électro. Si si.
Artiste : Stromae
Titre : Cheese
Label : Interscope, Polydor
2010
Mon premier contact avec Stromae a été un a priori. J’ai entendu la chanson « Alors on danse » sur des radios qui passaient allégrement de la soupe, et avec ses airs electro et son rythme trop répétitif, j’en ai déduit que Stromae, c’était aussi de la soupe populaire pour radios.
Sauf que. Sauf que, un peu plus tard, j’ai vu un reportage sur le bonhomme. Et il m’a véritablement impressionné. Par le choix audacieux d’un look (et d’un personnage) totalement rétro. Par sa personnalité à la fois drôle et très mélancolique. Par son inspiration assumée par Brel, par sa gestuelle qui me rappelle énormément le grand Jacques, par ses idées plutôt pertinentes sur la société et le monde de la musique.
Je range donc mon a priori dans le tiroir déjà très plein de mes fausses impressions, et j’écoute le premier album de Stromae : Cheese. Je crois qu’il s’agit d’un album qui s’écoute en plusieurs fois. A la première écoute, c’est l’aspect électro, la rythmique très affirmée, qui se dénote, et cet aspect entraînant est une première impression positive. J’en veux pour preuve la très réussie Silence qui ne se base pas sur des paroles mais seulement sur une musique électro des plus réussies.
Puis vient la deuxième écoute. Où l’on s’aperçoit que derrière (ou devant, question de point de vue) le très bon travail musical se trouvent des textes réfléchis et intelligents, dénotant une vision très sombre du monde. En témoigne, forcément, la superbe Te Quiero, à la fois extrêmement entraînante et extrêmement déprimante quand on écoute bien cette complainte vis à vis de la douleur de la relation amoureuse. En fait, cette tension, c’est celle qui habite le premier succès du maestro bouleversé, Alors on danse : la musique pour oublier tous les soucis de notre génération. La jeunesse France qui va danser pour oublier et croire que, qui sait, demain ça ira mieux, ça ne vous rappelle rien ? Personnellement, des souvenirs de mon adolescence jeune et conne à écouter la mélancolie de Saez me reviennent avec plaisir.
Voilà l’idée de l’album, donc : un constant décalage entre la musique enlevée et festive et les paroles déprimantes et pleines d’idées noires. «Eh petit bébé, il faudra se taire / Ouais même si papa frappe ta mère / Bah il faudra s'y faire » : ce sont par exemple les premiers mots de Dodo, une berceuse pas comme les autres qui fait froid dans le do(do)s. Autre exemple, la chanson qui donne son titre à l’album : Cheese, et l’idée de toujours garder le sourire (comme Stromae le fait sur la pochette), bien présenter, malgré les malheurs que nous fait la vie, malgré les malheurs qui font la vie.
Une tension riche et intéressante entre musique et paroles, donc, des textes déprimés et touchants, un album entraînant qui nous revient en tête : une réussite en somme pour ce premier opus régulier et complet.
Et au vu des deux premiers titres, la magnifique Formidable, et la très touchante et entraînante (encore !) Papaoutai, le prochain opus risque lui-aussi d’être une réussite.
Liste des pistes :
01 – Bienvenue chez moi
02 – Te Quiero
03 – Peace or Violence
04 – Rail de musique
05 – Alors on danse
06 – Summertime
07 – Dodo
08 – Silence
09 – Je cours
10 – House’llelujah
11 – Cheese
12 – Alors on danse (90’s Remix)
Par Robert Mudas.